Suppa Huppa’ – Bélize – Le capitaine mystique

Suppa HUppa’

Capitaine mystique et fou d’un voilier pour croisière touristique

Caye Caulker, Bélize

Contexte : Croisière de 3 jours de Caye Caulker à Placencia sur le voilier EZ Boy.


Il a eu 10 femmes, il a 20 enfants, une maison à côté de sa maman, et un travail de second sur un voilier de 35 ans qui transporte tangui tanguant les touristes. Il a perdu sa maison détruite par l’ouragan de 2000, il a vu son bateau de pêcheur projeté sur celle de sa mère et tout fracasser en poussière de bois et de souvenirs. Il a reconstruit les maisons mais n’est jamais redevenu pêcheur indépendant.

caye caulker croisiereIl espère du beau temps pour la mer, des vents dans le sens de son humeur, voir sa fille plus souvent à San Ignacio, féliciter son aînée partie à New York étudier le droit grâce à un oncle qui a gagné au loto. Il voudrait dire ses 4 vérités à son patron chinois intolérant, guérir le cœur de son ex beau-fils de capitaine que sa fille maintenant américaine a aussi abandonné sur son voilier à touriste.

Il aime un bon rhum ou deux pour libérer la parole et apeurer ses angoisses. Il adore son chat Boris dont le portrait en encre verte marque la chair de son épaule droite. Il aimait aussi son boa géant répondant au nom de Lolis qui gardait ses filles bébés contre les chiens.

Le reptile a perdu la tête dans un courant d’air quand la porte s’est refermée sur lui, attristée aux larmes la famille lui a creusé une tombe à côté de Boris à l’arrière de la maison de sa maman. S’il n’a pas encore fait de tatouage en son honneur, le souvenir de ce fidèle compagnon l’émeut encore.

Hernando, Armando, je n’ai jamais vraiment su son nom, on l’appelait tous Supa’ Hooppa.

Ce que j’ai vu, c’est son corps rongé par la mer, son visage creusé au soleil et sa peau tannée par le sel. Je l’ai entendu parler au vent, jurer contre les rafales qui déchiraient les voiles de notre embarcation, cracher à la gueule du crachin qui rendait ses mains humides et glissantes. Je les ai serrées fort, ses mains polies par les cordes hissées et repliées en un éternel cycle régulier.

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Suppa Huppa le capitaine et son beau fils, second sur le voilier

Il m’a dit avoir 54 ans mais son visage semble vieux de plusieurs siècles. J’y ai lu l’expression de la vie, de la douleur et des excès d’ivresse sur les contours plissés de ses yeux perçants, mais les autres ne sont qu’un miroir de soi-même n’est-ce pas ?

J’aime repenser avoir été accompagnée par Le vieil homme et la mer durant ces quelques jours de Noël sur son voilier dans la mer des Caraïbes, longeant la barrière de corail en maillot de bain et bonnet de mère Noël. Entre snorkeling et homards, une parenthèse de paradis pour célébrer la naissance d’un homme il y a 2015 ans. On a surtout célébré l’inspiration de cette rencontre avec Suppa’ Hoopa.

Lui, qui nous a nourrit au mollusque et poisson cru en ceviche de conche tout juste sortie de l’eau, aux crustacés pris dans sa nasse la nuit, à rempli bien plus que nos estomac. Il nous a abreuvés de ses histoires au coin du feu, rassasiés à sa force escaladant le mat quand la poulie s’est effondrée, recousant nos voiles déchirées et repoussant les pirates tentant d’accoster. Il a promis de chérir la nature et d’offrir son corps asséché au soleil si le récif de corail qui protège son île restait à distance de notre voilier privé de voile et de moteur dérivant au gré des efforts de nos deux capitaines…

* Lire le récit de la croisière presque mortelle au Bélize *

A la nuit tombée on buvait, il ordonnait un grand rhum sec, puis deux, puis trois, puis… il souriait,on parlait, enfin on écoutait surtout. Attentifs aux vapeurs d’ivresse formuler les légendes de notre conteur mystique. Il nous confiait les techniques apprises de son grand père pour déceler les trésors pirates enterrés. Il expliquait alors les feux dévastant de leur fumée épaisse les îles à la lueur de la lune mais qui, à l’aube, ne présentait aucun signe d’incendie, rien de brûlé, pas une cendre volant à l’horizon…  Ces hallucinations enflammées étaient signe de la présence de ces coffres remplis de merveilles. Une autre technique pour les trouver : entendre le bruit grinçants d’arbres sciés toute la nuit et de ne trouver aucun tronc au sol le matin. Toute légende s’abreuve aux traditions locales, la loi pirate du coin stipulait alors que les trésors devaient être cachés par deux pirates plus ou moins désignés volontaires. Leur mission, enterrer le butin et dès leurs retours, leurs têtes étaient coupées pour éviter que l’emplacement ne soit bavé au détour d’une soirée trop arrosée. Si le concept m’échappe puisque personne ne peut trouver le trésor, Supa’ Hoopa rit de ma logique avant de me répondre :

L’intérêt d’un trésor ce n’est pas de le posséder mais de le conquérir… sauf pour la cocaïne, là l’important c’est de la réutiliser et de la revendre et de la consommer !

Suit un court silence avant qu’il éclate de son rire aigu. Il faisait référence, évidemment, aux mallettes de poudre blanche trouvées aux détours des courants flottant. Je ne compris pas de suite mais l’histoire qu’il déroula alors nous éclaira… Les chalutiers transportant la drogue en gros le long de ces côtes Bélizéennes et sacrifiaient quelques kilos rejetées à la mer pour tromper les douanes maritimes. Perdues dans les vagues, le destin ramenait parfois ces valises de cocaïne dans les filets de Suppa Houppa. Il prenait alors grand soin de sécher puis re-cuisiner avant de la vendre au touriste et parfois à lui-même lorsqu’il ne trouvait pas d’endroit où dormir. Car il l’explique si bien :

Qui ne dort pas n’a pas besoin d’endroit pour le faire !

Mais, elle part plus au touriste quand même… mais ça c’était avant… quand j’étais un pêcheur ! Rajoutera t’il pour conclure cet échange, se levant et titubant vers ses voiles ancrées au bout du ponton.

Posée sur le sable refroidi par la lune si blanche et son reflet, j’aspire le silence à grande goulée. Son dernier cadeau sera son récit sur l’origine du slogan de l’île Caye Caulker, Go Slow. En le regardant, les yeux dans le vide souriant à la douce nostalgie des souvenirs évoqués, je penche quand même pour C’était mieux jadis. L’intuition se confirme quand l’émotion perle presque à ses yeux

Go Slow, my friend … Slow down…

Suppa Hoopa nous expliquera que tout est désormais perverti. Si aujourd’hui on ne peut pas courir ou presser le pas sur l’île sans se faire rappeler à l’ordre… Seuls les mots sont restés le message s’est effrité, abîmé à force d’être étalé à côté de publicité pour Open Bar et Shot Gratuit, Coca Cola et Pepsi au choix… Avant et ça devrait toujours être le cas :

Go Slow, signifiait simplement : profiter pleinement des moments présents sur les plages naturelles, seul le sable blanc s’agitait sous les pieds des enfants rieurs courant à perdre haleine sur l’étendue vierge. 

Suppa Huppa’ capitaine au Bélize, je t’aime


Encore… T’en vas pas on est si bien là à découvrir les miracles de la vie 

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Récit de cette croisière mi-paradisiaque, mi-cauchemar au Bélize entre Caye Caulker et Placencia… Entre îles désertes, snorkeling, cocotier et homard et voiles déchirées, moteurs en panne, dérive dangereuse sur le bord du récif et … pour couronner le tout une attaque de pirates au Bélize !

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