Dixon – Guatemala – Guide & Breakdance 17 ans
– PORTRait de Dixon –
Volcan Acatanango – guatemala – 4000 m d’altitude – 4h de conversation
Danseur de HipHop – Etudiant en Economie
Contexte
Pour réaliser ce portrait, oui je suis redescendue du volcan avant le cratère ! Perdue la bataille contre le volcan Acatanango… Je me rassure en murmurant que je l’ai eu mon levé de soleil au final, l’astre lumineux en parfait alignement avec le cratère de l’autre volcan, l’Agua. Certains considèrent comme un échec cette scène de renoncement, ça reste pour moi une victoire personnelle car rien n’arrive jamais par hasard. Redescendre m’a offert l’une des plus belles conversations de mon voyage. Ce levé de soleil là, il m’a remplie un petit peu le cœur de chaleur. Et ce n’était pas gagné ! A grelotter ma carcasse fatiguée à 5h du matin devant le feu ranimé et à parler des rêves de Dixon, ce jeune guatémaltèque de 17 ans qui assiste notre guide.
Portrait
Son rêve, son groupe de hip hop qui sillonne les villes en quête de compétition à gagner, de territoires à convaincre. Son diplôme dans 4 mois, l’Université de Guatemala City et ses ascensions mensuelles de l’Acatanango pour mettre de l’argent de côté et payer ses études. Moi je paye et grimpe pour me prouver quelque chose, lui il grimpe pour avoir les moyens de prouver qu’il peut l’avoir, sa licence en économie.
Différentes perspectives, différents mondes regroupés là, autour de ces brindilles
enflammées. Les mots s’enchaînent et ils racontent la poussière du volcan, la folie
courageuse ou le courage aveugle de ces guides. Eux qui montent tous les jours avec de
nouveaux touristes et se calfeutrent les poumons à coups de tonnes de poussière inhalée.
Il me murmure les années qui défilent, les corps qui s’abîment et la mort qui rôde et les
prends tous tour à tour.
Il chuchote le destin des fils de guides qui, dès leurs 7 ans trainent les chevaux jusqu’au
campement et à leurs 13 ans portent les victuailles dans des gros filets colorés harnaché à leur tête. Il crache le métier de guide qui s’infiltre dans leurs routines comme la poussière dans leurs petits corps et puis la mort à la quarantaine dès lors que leurs visages en paraissent déjà vingt de plus. C’est pour ça que Dixon ne monte qu’une fois par mois, pour sauver ses poumons lui qui ne fume pas, ne boit pas mais trouve une ivresse bien plus puissante dans l’espoir d’un avenir meilleur sur les plages de Louisiane.
– La Louisiane, oui mais pourquoi ?
– Ben pourquoi pas, t’es bien venu là toi ?! Pourquoi t’as bien choisi le Guatemala toi…
Sa réponse, me posa gentiment dans le silence. Ca y est, je sens, ça monte, la vraie la
découverte, l’apprentissage d’une culture devant le soleil qui se lève et éclaire de sa lumière enveloppante tout l’horizon devant. L’apprentissage d’une culture donc, oui mais laquelle ?
Alors je lui demande :
– Dixon, es-tu un maya ou un indigenos ?
– Non pas du tout regarde mes cheveux ! Ils ne sont pas drus donc je ne suis pas un
maya ! Je suis un ladrino, de ceux qui se sont mixés aux espagnols à leur arrivée. Je
fais partie des 30% de la population qui essaye de faire avancer les choses, les mayas
donc la majeure partie de la population vivent dans le passé ! Regarde, ils brûlent
même vivants les voleurs sur la place publique ! Bon d’accord la police est une blague
ici mais quand même ! On peut voter pour changer ça ! Regarde le 14 janvier 2016
c’était l’inauguration du nouveau président ! Elu avec le slogan Ni ladron, Ni
corrupcion, Ni voleur, ni corrompus !
Certes c’est un comique ce cher nouveau président, il a plus souvent sillonné le pays sur les planches des salles de concert avec son one man show mais vu que les précédents
gouvernements étaient aussi des marionnettes malicieuses volant le pays et qu’ils sont tous en prison maintenant, il faut continuer d’espérer hein ? Après tout, la Louisiane brille au bout du chemin.
– Bon et la guerre alors ?
Parce que ça fait deux mois que j’attends de percer le gratin crémeux servit au touriste
alors je ne vais pas te lâcher toi, le soleil est lent à sortir il est 5h30 du mat mais je sens
comme une liberté de demander! Oui, toi du haut de tes 17 ans, c’est toi qui ouvre la porte
de l’authenticité alors vas-y envoi !
– Ah mais attend, les traités de paix ont été signé en 1997, t’étais même pas né, alors
qu’est-ce que t’as vécu ?
– L’après-guerre, il me répond en souriant. Si je n’ai pas vécu la guerre, j’ai vécu
l’après-guerre…
– Ah oui ça semble logique, je souris presque gênée, ça ressemble à quoi ?
– A des villages brûlés qui restent en ruines, aux indigènes enfuis au Mexique qui
cherchent à revenir, à la police associée à des militaires sanguinaires que tout le
monde fuit donc. Aux hommes armés qui veillent devant chaque magasin, fusils à
pompe à la main, aux gangs, les maras, aux visages tatoués qui ont investi les
territoires et récupéré le trafic de la drogue abandonnée en chemin par les
guérilleros en défaite.
L’Après Guerre c’est leur grande sœur à tous, elle les a un peu éduqué, leur à montré le
mauvais exemple et parfois le bon… Comme ce matin dans la capitale Guatemala city où, du haut de ses 9 ans Dixon a innocemment questionné un homme aux joues d’encre
recouvertes des chiffres 18 sur sa vie, de cet échange il en conclut avec sagesse :
– Il était gentil, ce sont des êtres humains aussi après tout, ils viennent de l’après-
guerre eux aussi mais ils ont été plus façonnés que nous par ses conséquences. Moi
un peu moins, on est protégé dans la région d’Antigua… Et toi aussi, tu la vis en ce
moment si tu sais ouvrir les yeux en visitant mon pays. Ici, il n’y a pas le choix, on
devient tous des enfants de l’après-guerre.
Sur cette vérité universelle, le soleil se faufile enfin hors de la masse de nuage et sa clarté
pleine de divinité vient clore cette conversation authentique !Dixon, Humain du Guatemala, je t’aime