Mines de Potossi Bolivie – Entrer dans Pachamama et voir l’enfer

Le jour où j’ai appris à rebrousser chemin et à changer ma réalité de tourisme honteuse à voyageuse fière

Une fois n’est pas coutume je vais commencer par la morale : 

  • Apporter plus d’eau, plus de sodas, plus de feuilles de coca, plus de cadeaux aux mineurs
  • Retourner passer du temps avec eux, pour le plaisir de l’échange non pour le voyeurisme de la mine
  • Toute réalité peut être changée en enlevant tout jugement personnel

Potossi : la visite des mines à été la chose la plus dure de toute ma vie…

Arrivée en touriste en riant et chantant « eh ho eh ho on rentre du boulot », et oui j’ai même osé le baton de dynamite dans la bouche… peur de rien ? On verra bien ! Je suis rentrée dans la mine dans les mêmes conditions que les mineurs apprentis et ressorti en pleurant ma honte.

Evolution du regard : Entre l’extérieur baton de TNT à la bouche et expression de la peur à l’intérieur… On fait moins la maline !

La deuxième fois où je renonce (la première ce fût face au Volcan Acatanango au Guatemala). Je n’ai pas pu aller au bout, trop de larmes dans les yeux, trop de honte dans le coeur, trop de poussière dans les poumons, trop d’altitude (4500 mètres) pour mon corps, trop de peur…. j’ai rebroussé chemin et je suis sortie vivante des entrailles de Gaïa…

Pendant toute l’heure à l’intérieur de la deuxième plus grande mine en activité de Bolivie et peut être bien du monde, j’ai cherché la raison… Rien n’arrive par hasard… Mais là, pour la première fois je n’ai pas vu la motivation… Jamais de ma vie et même pas en Inde je n’ai vu telle dérive de l’humanité détruisant la pachamama et la chair des mineurs au nom de jolis colliers et de micro puces pour smartphone… Pas suffisant…

Visiter les mines : J’y suis allée pour aider…

Mais… Il n’y a rien à faire pour les aider. On nous dit d’apporter des cadeaux.. 3l d’eau par personne mais ils en boivent 7l chacun et par jour et ils sont 1500 dedans. Ma goutte si dérisoire, juste pour acheter bonne conscience à mon côté backpackeuse qui cherche à vibrer en se confrontant à d’autres réalités. Je me donne envie de vomir devant tant d’ignorance et de prétention alors je suis ressortie avant la fin du tour.

Chers mineurs. je m’excuse, je n’ai pas Su

Après 1 heure de visite, à la moitié du parcours je rebrousse chemin, presque évacuée par un autre mineur. Il me guide à travers le boyau principal entre les wagons de 2 tonnes lancés à toutes allures dans le couloir passant à 3 cm de nous. Le mineur hurle « court », on court. Le guide hurle « sur le côté » et on a intérêt à se coller contre le bord sinon c’est fini, on ressort en morceaux de lambris de peaux et d’os…

 

Contrairement à tous ces travailleurs, je suis ressortie, entière dans ma chair mais abîmée dans mon âme. Eux qui ne sentent plus la douleur effacée par la fierté du métier.

Impuissante, il ne me reste plus que les mantras pour prier

Réciter les Om, mala en main, assise devant l’entrée de la mine pendant l’heure à attendre le reste du groupe, mes larmes ont coulés, les sourires quand même échangés avec les mineurs à peine majeur. Tentant de cacher ma honteuse réaction à leur yeux fiers de perpétrer cette inhumaine tradition.

J’ai prier « aum hreem namare » le coeur ouvert en deux devant le gâchis de chair et de sol émietté ici pour être réagregé ailleurs.

J’ai jamais eu aussi peur et honte de ma vie.

Peur de mourir sous les explosions de TNT ou renversée par leur wagons lancés à l’allure de la course humaine sur les kilomètres parcourus dans la poussière, le souffre et l’oxygène comprimé. Peur de mourir ensevelie sous cette Pachamama qui s’effrite au marteau piqueur et à la pioche et qui me murmure de sortir, vision d’horreur à la pelle, je sens qu’elle ne me veut pas en elle.

L’instinct de survie éveillé comme jamais, sans souffle, tremblant et ne pouvant respirer je me hisse dans les boyaux ou même mon petit corps racle les parois, ou le guide me soulève à la force de son bras pour passer sur les planches vacillantes installés à 30 mètres du fond du trou où les pioches résonnent en avertissement: sors, sors, sors !!

Je me suis sentie bête blanche prétentieuse voyeuriste regardant la misère en face… Payant pour entrer dans leur enfer et voir ces diables humains vider la terre.

Creuser la Pachamama pour gagner leur vie sacrifiée ici-bas au quotidien . Le prix du tour de 3h équivaut a une semaine de salaire… A la vue du gamin de 8 ans harnaché à l’avant du chariot tirant en criant ses tonnes de gravats scintillant pour 2 boliviano le kilo j’ai craqué. En sentant la terre gronder de milles explosions autour j’ai craqué. En courant entre deux wagons de folie je suis ressortie.

Compassion : quand le colibri change la situation

Mais… Pour apporter ma goutte a l’univers de compassion je suis retournée acheter plus de boissons et plus de coca pour leur donner.. Je suis remontée quelques heures après pour offrir ces Offrandes aux creuseurs de pachamama.

Leur regards ont changé ils m’ont souris, vraiment… Pas pour la photo mais pour dire merci, étonné et heureux. De mémoire de mineurs, et des 10 années d’expérience du guide qui m’a remontée, je suis la seule touriste à être revenue donner plus, à se poser devant l’entrée pendant 2 heures et distribuer l’eau en jettant les bouteilles dans les wagons au rythme du reggae joué et dansé.

35 ans qu’Oscar travaille là et je suis la première à revenir sans tour, sans guide, sans rentrer… Juste pour donner. Enfin, nous sommes deux, moi et mon ami Oli qui m’a suivit dans cette belle aventure. Les mineurs m’ont serrer dans les bras, je me suis sentie moins honteuse… petit colibri à fait sa part… Colibri en face de la misère humaine sans fond comme la mine exploitée depuis des siècles mais colibri quand même. A la redescente on a décidé d’en parler à tous pour expliquer la démarche et tenter de pousser à donner plus…

C’était l’expérience la plus transformante de ma vie… mais j’ai survécue en rebroussant chemin, certes, mais l’objectif du partage atteint.

 

Humains, je vous aime