De clandestins à invités d’honneur – Lac Titicaca : la frontière à ne pas rater

Rater la frontière désertée, retraverser puis réussir au bout de 3 essais complètement ivres de joie et de bière escortés par le maire de la ville ! 

Il y a deux côtés au Lac Titicaca, l’un accueil Puno et les célèbres îles flottantes d’Uros en roseaux. L’autre abrite le joli et confortable touristique, l’autre le tout authentique. Nous voilà donc parti explorer ce vide des guides qui ne parlent même pas de cette chaîne de petits villages. Ils s’égrènent pourtant avec beauté sur les rives du plus haut lac navigable du monde.

Tel est le plan, passage de frontière et arrivée au Pérou. Mais on le sait bien pourtant, le meilleur plan c’est pas de plan ! On tentera, on ratera, on recommencera et tout ça pour une raison bien particulière qui ne se dévoile qu’en fin de journée : assister à la réunions au sommet entre les communautés boliviennes et péruviennes frontalières, être raccompagné par le maire et obtenir un visa de 5 mois !

Lac Titicaca par la rive Est, jolie et désertée.

On enfile les hauts plateaux, altiplano qu’ils disent par ici. Terres brûlées par l’altitude et le froid mordant offrent un panorama de montagnes enneigées et de villages égrenés. Pour égayer l’attente et remercie le tout autour entre deux trajets, on pose quelques des notes sur leurs sourires amusés et le reggea se partage dans les rues des villages.

Dernière monture, un taxi collectif sans siège à l’arrière et avec une famille sommeillant dans le coffre nous emmène sur notre trace. A chaque village, on décide de continuer face au vide en attendant un regroupement urbain assez important pour inclure une auberge où poser notre nuit.

Sans réaliser, on se retrouve à Puerto Escondito le dernier village bolivien avant le Pérou. Pas le choi il faut arrêter notre traversée là. A la descente, la pluie battante et le désert des rues résonnent en échos de nos pas devenus plus timides. Une cour à  l’arrière d’une boutique, l’homme nous montre la pièce et son petit lit de paille pour abriter notre humidité. Déposés les sacs sur le sol battu et direction la place et la mamita qui sert du fûmant savoureux. Un repas de fromage grillé version fondue savoyarde sur patates noires andines est avalé aux côtés des gars du coin. Mes papilles dansent de joie, et les yeux pétillent, le corps se réchauffe, les couleurs reviennent… Un peu saoûls, les locaux avec qui l’ont partagent l’unique table rient de nous avec bienveillance. Rassasiés, on s’endort aux rythme de la fanfare et au ploc des gouttes qui filtrent notre plafond.

Demain on passe la frontière, enfin on essayera…

Au levé, à la pêche à l’information on part se confronter. 15 habitants questionnés pour 15 réponses différentes et toutes soulignent la même rareté de la “mobilité”. Pour passer la ligne invisible qui empêche les collectivos d’aller plus haut, certains affirment qu’il nous faudra patienter quelques jours car personne ne passe par là et la route est peu fréquentée. Impossible de partir en stop donc, le bout du monde Bolivien est atteint !

Notre chance arrive finalement avant que l’impatience ne s’installe. Surpris d’avoir de la compagnie, un mini collectivo empreinte la route vers l’autre côté. Nous voilà lancés tangui tanguant sur cette piste de trous et de roches entassés, bringuebalant une discussion avec une mamita locale curieuse de tout sur nous. On sillone presque 1 heure les champs parsemés de dos courbés et colorés qui malaxent la Pachamama pour s’assurer des bonnes récoltes et de savoureuses chichas.

Points de vue sur Titicaca, panoramas sur campagne habitée de lama et d’humains… Le collectivo s’arrête au milieu du rien, en face d’un tout aquatique et d’un poteau blanc marqué des rouges lettres PERU.

On s’arrête, on descend on attend. On attend que le côté péruvien envoie à son tour un transport en commun pour rejoindre l’autre pays. Avec nous quelques mamitas, leur toiles colorées déposées à côtés de nos sacs entassées. Des hommes arrivent, tous s’arrêtent et pose leur contemplation devant cette vue. Discutant, ils s’animent et sont de plus en plus nombreux, ignorant presque le panorama qui nous laisse baba, nous qui découvront cette beauté pour la première fois.

On ne comprend pas pourquoi ici, au milieu de nulle part il y a autant de monde. Avant de penser à demander, le collectivo arrive enfin nous voilà embarqués côté péruvien. Pas pour longtemps, on retiendra la leçon !

 Atteindre le Pérou n’est pas si facile après tout !

Après avoir dépassé un poste de frontière vide on arrive sur la place centrale de Tilalu sans avoir croisé un douanier. On nous indique le service immigration. Un bureau et un agent qui nous explique gentiment notre condition de clandestins ! Il nous manque le tampon de sortie du territoire bolivien. Nous qui pension avoir raté le poste péruvien, c’est en fait en Bolivie qu’on est passé à côté !

Passer une frontière sans contôle c’est possible côté Est du lac titicaca ! Il nous faut donc repartir en arrière, recommencer notre épopée de pistes de terres, d’attentes berçant les heures. Retourner à notre village de la veille et chercher un douanier pour obtenir le sacré tampon ancré nous permettant de continuer notre destinée.

La difficulté supplémentaire c’est que le village péruvien est aussi désert que son voisin bolivien. Il nous dit que peut être le collectivo repassera dans quelques heures… On dépose nos affaires derrière le fonctionnaire qui nous souhaite bonne chance et l’on part à rebrousse route à travers le silence et la chaleur ambiante. Dans le rien immobile qui caractérise le coi, une bergère et son troupeau dépasse nos pas et j’imagine dresser l’animal laineaux pour rentrer en saute mouton.

Tous les détours du monde pour assister à cette réunion !

Quelques centaines de mètres, une ambulance questionnée et une moto appelée par un local mais qui ne peut pas nous prendre tous les deux… On attend, on négocie, on marche et puis la navette repasse finalement. Nous voici de retour au sommet marquant la frontière et le changement de transport en commun. Face au lac, les sourires toujours plus nombreux des communautés locale nous attirent, on se rapproche. Il ne se passe toujours rien, chacun aligne son silence pour contempler l’autour si renversant. On échange quelques mots et sourires, on ne comprend pas grand chose, il parle Aymara.

On prend notre patience en écharpe pour attendre une voiture côté bolivien et l’on s’enroule de bonne intentions cherchant en riant qu’elle peut bien être la raison de ce contretemps.

Notre chauffeur bolivien du matin revient comme par miracle et à fleur de négociation il accepte de refaire l’aller retour nous déposant même à l’immigration et attendant pendant l’étape tampon avant de ramener. Même le chauffeur n’est pas sûr de l’endroit. On trouve enfin le sacro saint poste frontalier, une cabanne et deux fonctionnaires à une heure de la ligne virtuelle, quasiment impossible à trouver du premier coup ! Photos, empreintes et visa terminé, on entre enfin dans la règle.

Même route une troisième fois parcourue donc, on se re-re-retrouve au centre du milieu face au lac et son poteau blanc, il est désormais 14h et l’on est parti ce matin vers 8h00. Cette fois ils sont une vingtaine assis en cercle autour de pommes de terres locales diposée dans des tissus à même le sol. Ils discutent chacun leur tour avec beaucoup de marque de respect.

Notre descente est accueillie par des saluts de mains, des appels de tête et une allée de sourire qui nous conduit directement deux chaises en plastique au centre du cercle où ils parlent développement touristique de la région désertique et importance de refaire la route pour attirer les Gringos ! Tiens en parlant de gringos, on n’en voit jamais par ici mais le jour de leur réunion au sommet, deux d’enre eux débarquent !

Partage des communautés au sommet : patates, bières et sourires du coeur

A grand coup “d’honorable” et d’incompréhension amusée, on nous explique le pourquoi du comment attirer plus de touristes à respirer l’air d’ici. On ne comprend pas grand chose mais on rit en savourant chaque bouchées de pommes de terre avalées. En enfant roi on nous invite à partager le repas sur le sol étalé. Puis un sac gavé de spécialités des champs d’à côté nous est offert en souvenir gourmand à emporter. Les tissus sont vites repliés, les victuailles rapatriées, tout disparait à vitesse grand V. Les discours terminés, les mains serrées, on peut passer aux choses sérieures et les caisses de bière sont apportées !

Entre deux ou dix « honorables » invitations à partager la bulle locale on apprend à arroser la Pachamama pour l’honorer, à vider son gobelet d’un trait et à le passer à celui d’à côté pour partager. A 4000 mètres d’altitude les 5 degrés tapent aussi fort que le soleil de midi.

Les tempes battent la mesure rapide, l’esprit s’élève et les conversations dans des langues inconnues se dévoilent. Le maire de Tilula (ville côté péruvien) nous explique la dualité de son monde, les femmes et les hommes; les péruviens et les boliviens, les agriculteurs et les fonctionnaires, les riches et les pauvres, la rive Ouest du Lac Titicaca et la rive Est…

D’un commun accord avec l’ami Charly on répond en coeur “somos humanos” (nous sommes tous humains). On tombe d’accord, il répond “hijos de la Pachamama, a mi no me importa la frontera, somos parte del misma racia” (fils de la Pachamama, a moi cette frontière m’importe peu, nous appartenons tous à la même race). 

Dualité des airs mais inconditionnalité de l’échange

Charly est embarqué par ces messieurs inspirés à discuter loin de la féminité. Je me retrouve convoquée entre les mamitas et les plus jeunes qui forment un cercle à quelques pas de là. Elles ne parlent quasiement que l’Aymara, language natif qui relie au delà des lignes virtuelles séparant admisnistrativement les peuples. Ils se comprennent bien mieux en discutant directement entre eux, leurs décisions politique parlent la langue du coeur, de leurs racines communes. Pour moi qui ne parle que le castillant, c’est bien plus compliqué de communqiuer. Plus les gobelets circulent, plus grandes sont les flaques créées à force d’arroser la poussière pour la Pachamama, plus nos âmes riantes vacillent au nom de la rencontre. J’apprend que tanguit tanguant se dit chali chale, elle me promettent de m’apprendre à tricoter et à parler leur aymara en une semaine d’immersion dans leur communauté. Je promet de revenir passer la frontière par ici et de parler de leur communauté, de  leur sourires et de vanter la beauté des paysages observés.

Pour remercier cette générosité inconditionnelle je commence à croiser mes fils sur des perles et à nouer autour de leur poignets des petits bracelets. La séance création est écourtée au milieu des mains qui se lèvent demandant leur bijoux. Je me retrouve avec plus d’une dizaine de bracelet à faire ! Mon nom  l’accent du coin s’élève dans les airs ! Le maire appel et l’ami m’annonce le retour à l’arrière de son pick up vu qu’aucun transport collectif n’est passé depuis tout à l’heure et que la nuit commence à tomber.

Rentrée au Pérou triomphante d’ivresse !

Magnifique et suprenante pour fin de journée pour ce passage de frontière en ascenceur émotionnel : 3 tentatives après nous voilà enfin déclandestinés et baptisés à la bière et aux processus de décision communautaire !

C’est donc monsieur le maire qui nous ramènera au point de départ de toute cette histoire. Le dounier nous attend encore, ses seuls clients de la journée voir peut être de la semaine !

Devant notre récit plutôt surprenant expliquant notre arrivée tardive et notre air joyeux, il nous offrira un visa de 5 mois sur un plateau de non-coincidences qui font tant sens pour qui sais attendre avec patience de trouver la raison de toute situation.

 

Imprévu de voyage je t’aime !


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