Si un jour j’ai un fils, je l’appellerait Celestino, Bolivie

Echange de coeur a coca sur vue panoramique

lac titicaca – Bolivie

Tout là haut, à l’étape 12 du Calvario, de Copabanna sur le lac Titicaca, on croise un drôle de manège pour un lieu sacré. Là aussi ils ont du déchirer la page où Jésus chasse les marchands du temple car tout se vend à l’arrivée de ce chemin de Croix. Face aux tableaux d’un Christ ensanglanté, s’entassent pêle mêle au sommet stand de voitures miniaturisées, fleurs et petits sandwich fraichement préparés… On y trouve même un chamane andin bénissant à la bière secouée les familles prêtes à payer pour ce rituel de protection alcolisée. La Pacena, c’est la bibine du coin, ses bulles de houblon moussées offertes à l’air, à la terre et aux mains des participants.

Là, au coin de la vue, se tient Celestino

Après l’effervescence de ce marché d’incohérence, s’étend le point de vue entouré de murets où l’on vient cliquer sa photo, déposer sa fatigue et sa bouche bée devant la beauté du lac Titicaca qui englobe tout l’horizon et s’étire tout en bas.

 

Là, à l’angle de la vue se tient un homme buriné à la démarché vacillante et amusée. Celestino il s’appelle. Il trinque avec le passant qui lui offre un bout de sa ration. Il appelle les «joven» et entame la discussion avec ceux qui s’approchent de l’homme du coin qui vient d’ici.

Evidement, avec Charly, on s’est fait emporté par son flot local amusé, pendant presque 1 heure on a discuté, du tout, de rien, surtout de n’importe quoi qu’on ne comprenait pas.

Un dialogue sur la vie sur la mort

Tous les jours il dit monter et pointer à qui veut l’entendre le Pérou qui toise la Bolivie à quelques pas d’ici. Capitaine du lac titcaca, Doyende la baie de Copacabanna, Celestino nous a fait nous asseoir à ses côtés pour conter ses légendes marmonées. On s’est posé, on a parlé, la coca on a mastiquée, des histoires sans queue ni tête on a échangées, des conseils sur la vie à la vision de la mort évoquée, de grands rires on a surtout partagé.

Entre deux sourires il m’a demandé :

– Tu as combien d’enfants ?
– Aucun

Face à mon «non» il a plissé le front en signe de non bénédiction. Expliquant à l’homme de l’autre côté de la barrière de la langue ma petite vision de la vie, érigeant liberté en cap à suivre, le non attachement comme condition de mon bonheur il me répondit ahuri

– Mais si tu n’as pas d’enfant, qui viendra réclamer ton corps à ta mort ?

Expliquant à l’homme de l’autre côté de la barrière culturelle, que je ne souhait emême pas avoir ma carcasse rapatriée xsi c’est loin de ma patrie que je finie. Que je souhaite tout donner de mes organes et ma chair si c’est dans ma société moderne que je faiblis, que je souhaite qu’on me laisse là où mon dernier souffle m’aura déposé, que je ne veux pas de stèle marbrée pour permettre à ceux qui m’ont aimé de venir pleurer sur un reste de rien dépouillé.

Il me répondit  presque attristé , empreint de pitié pour mon ignorance des règles du sacré régissant la mort ici bas.

– Un corps sans tombe est une âme perdue.

Expliquant à l’homme de l’autre côté de la barrière de la vie ma petite vision de la mort. Que mon corps n’est qu’un véhicule pour l’âme qui n’a pas besoin de revendication pour continuer son cycle de réincarnation

Il m’a lancé un sourire pétri d’incompris qui servira de conclusion mais sans dénigrer la différence des visions.

Un échange de coeur à coca sur vue panoramique de Copacabanna

On s’est quittés, nos mains serrant nos coeurs, se remerciant silencieusement d’avoir pris du temps au temps pour sans se comprendre vraiment réussir à s’entendre. Celestino, ton message délivré a trouvé une certaine entrée dans mon schéma de pensée. En partant je te lance un dernier écho à notre discussion

Si un jour j’ai un fils, je l’appelerai Celestino !